Par Karl Gagné Côté
La radio de Fermont

Le Fermontois Timothée Beaulieu a fait une découverte rare lors d’une sortie en avion en août dernier. Lors d’un arrêt en bordure de la rivière Moisie pour se faire un café sur le feu, il a mis la main sur ce que les archéologues consultés estiment être une pointe de lance ou de fléchette datant de l’ère archaïque de l’Amérique du Nord (-9000 à -1000).

Extrait – Timothée Beaulieu – Circonstances de la découverte

Selon Scott Nielsen Phd, professeur adjoint et coordonnateur au certificat d’études autochtones de l’école d’études arctique et subarctique du département d’archéologie de l’Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador, « c’est un type d’outil en pierre que les archéologues appellent un biface, ce qui signifie qu’il est façonné des deux côtés. En fonction de la taille de celui-ci, il peut s’agir d’une fléchette ou d’une pointe de lance [qui] aurait également pu être utilisé comme couteau. »

Il s’agit d’un biface qui aurait pu être « fabriqué par les ancêtres des Innus actuels ou les peuples paléo-inuits qui occupaient la péninsule du Labrador à l’époque. » La pointe semble faite de quartzite (ou chert) de Ramah. Un type de pierre semi-translucide gris clair que les cultures anciennes des Premières Nations du nord-est du Canada utilisent depuis plus de 7000 ans selon l’Encyclopédie Canadienne.

Selon ce dernier, la pointe pourrait avoir été façonnée il y a 4 où 5 millénaires. Il nuance ses propos en soulignant qu’un de ses collègues la situe plus entre 1 et 2 millénaires avant notre ère.

Photo: Karl Gagné Côté

Un autre expert, Jean-Simon Labbé, archéologue et coordonnateur d’Archéo-Mamu, un organisme nord-côtier, estime que cet outil lithique est une pièce importante qui semble en effet provenir de la période archaïque et aurait été façonnée il y a 9000 ans. Selon lui il pourrait s’agir d’une pointe de lance ou de fléchette de propulseur, un outil qui était utilisé par les peuples de l’époque.

Extrait – Jean-Simon Labbé – Une pointe de lance ou une fléchette

Photo: Timothée Beaulieu

Le matériau utilisé pour façonner le biface est appelé quartzite de Ramah en français ou chert de Ramah en anglais.  Une pierre qui ne se retrouve que dans la baie de Ramah, situé dans la région des monts Torngat dans le nord du Labrador. Selon Scott Nielsen, c’est une pierre distinctive qui était populaire auprès des ancêtres des Innus, mais également des autres peuples autochtones qui se la procuraient via des échanges entre les différentes nations. M. Labbé nous mentionne quant à lui qu’on en a retrouvé jusque dans le nord des États-Unis.

Extrait – Jean-Simon Labbé – Quartzite de Ramah

Les experts consultés rappellent que la rivière Moisie, Mishta-shipu en innu-aimun, était à l’époque une sorte d’autoroute pour ces peuples qui transitait entre la côte et l’intérieur des terres. Il est donc normal de retrouver différents artéfacts historiques sur son lit et ses berges. Selon Jean-Simon Labbé, la plupart des rivières du nord-est du continent américain étaient sillonnées par les peuples autochtones de l’époque. Ces grands axes leur permettaient de parcourir de plus grandes distances plus rapidement. Certains sites archéologiques sont d’ailleurs connus à l’embouchure de la Moisie.

Extrait – Jean-Simon Labbé – Rivière Moisie

 

Les deux archéologues, Scott Nielsen et Jean-Simon Labbé, saluent l’initiative du Fermontois Timothée Beaulieu d’avoir contacté des spécialistes, car il n’est pas rare que les gens qui font de telles découvertes les gardent pour eux. M. Nielsen rappelle que des découvertes comme celle de Timothée peuvent nous en apprendre beaucoup sur notre passé. Selon lui, il s’agit de la première découverte du genre dans la région Fermont-Labrador City-Wabush.

Du côté de M. Labbé, il est très engagé à sensibiliser les gens à l’importance de ne pas endommager et de rapporter les sites archéologiques, car les artéfacts livrent souvent beaucoup plus d’informations lorsqu’on peut les mettre en contexte et les étudier à l’endroit où ils ont été trouvés. Concernant la découverte de Timothée, des analyses plus complètes devront être réalisées afin de déterminer si des fouilles plus approfondies peuvent être menées à l’endroit où il s’était posé pour savourer son café.

 

Écouter l’entrevue complète avec Timothée Beaulieu:

Écouter l’entrevue complète avec Jean-Simon Labbé: